Au pays des Kelabit
Le vol de Miri à Bario, capitale du pays Kelabit, à bord d'un twin otter de 18 places sans séparation entre les pilotes et la cabine, nous a permis de constater l'étendue des plantations de palmiers à huile, l'une des causes principales de destruction de la forêt de Borneo. La Malaisie est devenue en l'espace de quelques années un des plus gros producteurs mondiaux d'huile de palme, omniprésente dans les produits de l'agroalimentaire, au détriment d'immenses terres déforestées puis transformées en plantations pour quelques années, jusqu'à l'épuisement des sols.
Notre atterrissage se passe en douceur, à la faveur d'un trou dans le ciel. Nous atteignons les hauts plateaux de la région des Kelabit, à la frontière avec le Kalimantan indonésien. Les Kelabit sont restés isolés sur leur plateau jusqu'à la seconde guerre mondiale, après laquelle des missionnaires évangélistes sont venus les convertir. Les anciens conservent encore les traces de leur tradition comme les nombreux tatouages ou encore de lourdes boucles d'oreilles qui leur étirent les lobes de plusieurs centimètres. Leur mode de vie reste très communautaire et ils continuent pour la plupart à vivre dans des "longhouses", le HLM local horizontal, composées d'un grand couloir commun pour la vie collective où sont exposées les nombreuses photos de famille, et d'unités familiales privatives.
Les Kelabit cultivent un riz de grande qualité depuis des générations. Notre hôtesse était très fière de nous raconter qu'elle avait été invitée dans une foire de slow food à Turin, où elle vendait son riz 2 euros les 100 grammes. Servi matin, midi et soir, il est la base de la nourriture Kelabit.
Les montagnes entourant les villages conservent les quelques dernières forêts primaires du Sarawak , dont l'exploitation n'a pas encore été cédée aux compagnies de bucheronnage. Nous avons fait une petite balade aux confins de ces grandes étendues sauvages, et y avons rencontré nombre de sympathiques sangsues... Cependant , le réseau des routes d'exploitation forestière s'étend, et dans quelques mois ou quelques années, les gros arbres de ces forêts, dont les troncs valent jusqu'à 60 000 $, seront sans doute abattus.
Pour s'immerger jusqu'au bout dans la culture locale, nous avons été à la messe dominicale dans la grande église en bois : guitare électrique, batterie et ambiance gospel, prêche enflammé du pasteur, assistance endimanchée et légèrement somnolente, tout y était !